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CEP au Grand Quev'
1 mars 2007

Pôles terrestres: l'état d'urgence est décrété

Encore un article sur la dégradation de l'environnement. Le traitement des problèmes environnementaux est très éclairant. En effet, il semble assez sporadiques et survient lors:

- des scandales environnementaux, tels le scandale de l'Erika et autres marées noires

- lors de colloques ou d'opérations scientifiques particulières

- lors des actions bruyantes de Greenpeace

Demandez vous pourquoi. Est-ce-que parler de l'environnement est vendeur en dehors des catastrophes?

Lien permanent: http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0@2-3228,36-877782@51-877872,0.html

Enquête

Pôles terrestres : l'état d'urgence est décrété

LE MONDE | 01.03.07 | 14h36  •  Mis à jour le 01.03.07 | 14h36








Ce jeudi 1er mars, les deux calottes glacées de la Terre devaient être au centre de toutes les attentions : la communauté scientifique internationale lance officiellement, à Paris, la quatrième Année polaire internationale (API 2007-2008). Organisée sous l'égide du Conseil international des sciences et de l'Organisation météorologique mondiale (OMM), cette nouvelle Année polaire est placée sous les auspices du réchauffement climatique, qui marque de son empreinte les zones arctiques.

Elle se déroulera de fait sur deux ans, de mars 2007 et mars 2009, ce qui permettra d'"étudier un cycle entier Arctique-Antarctique sur deux saisons complètes", explique Yves Frenot, directeur adjoint de l'Institut Paul-Emile-Victor (IPEV, à Brest). Car ces zones sont accessibles en été à des périodes bien précises : juin à août pour le pôle Nord, novembre à février pour le pôle Sud. Ses travaux mobiliseront 50 000 chercheurs travaillant sur 209 projets et représentant plus de soixante nations.

Les précédentes API ont rodé une coopération internationale indispensable dans ces zones rudes et difficiles d'accès. Celle-ci avait commencé dès 1874-1875, quand les scientifiques ont voulu observer le passage de la planète Vénus devant le Soleil. Lors de la première API (1882-1883), douze pays avaient uni leurs forces pour mener en Arctique et en Antarctique des études sur le climat et le champ magnétique terrestre, l'astronomie, la botanique, la zoologie et l'ethnologie. La deuxième API (1932-1933), lancée par l'OMM, avait étudié le jet-stream, ce puissant courant atmosphérique qui parcourt le globe à 10 km d'altitude. La troisième (1957-1958), centrée sur l'Antarctique, avait eu lieu dans le cadre de l'Année géophysique internationale, pendant une période d'activité solaire intense.

Cette période, qui avait vu la confirmation de la théorie de la dérive des continents - jusque-là très controversée -, les premières mesures de gaz carbonique dans l'atmosphère et le lancement des premiers satellites, est aussi celle au cours de laquelle la recherche polaire a pris véritablement son essor.

C'est à partir de ces années-là que les nations ont installé plus de cinquante observatoires en Antarctique. En 1961 fut signé le traité de l'Antarctique, qui réserve à jamais le continent blanc aux seules activités pacifiques. Il a été complété par le protocole de Madrid, entré en vigueur en 1998, qui protège cet environnement exceptionnel pour cinquante ans.

Les recherches menées depuis cinq décennies dans ces régions battues par les vents, où les températures peuvent descendre à - 89 0C en Antarctique et - 70 0C en Arctique, ont montré qu'elles sont des endroits-clés de notre planète. Elles jouent en effet un rôle capital dans les échanges atmosphériques qui se font entre les pôles et l'Equateur, et dans la circulation océanique mondiale.

Pour cette raison, " les glaces des pôles sont les témoins privilégiés de nos méfaits sur l'environnement, précise Claude Lorius, président du comité français de parrainage de l'Académie des sciences. Nous avons pris conscience qu'il n'y avait qu'une seule atmosphère, avec la découverte du trou d'ozone en Antarctique, les retombées radioactives aux pôles et la présence de plomb dans les glaces du Groenland". Les forages glaciaires menés au Groenland et en Antarctique ont aussi confirmé la corrélation étroite existant entre les changements climatiques et les gaz à effet de serre, dont la teneur n'a jamais été aussi élevée depuis 650 000 ans.

Ce réchauffement est déjà visible en Arctique. La fonte de la glace et du pergélisol (ou permafrost - un sol jusque-là gelé en permanence) y perturbe le mode de vie des habitants et de la faune. Les images prises de satellite et les observations sur le terrain indiquent que la banquise arctique estivale a perdu 15 % de sa surface et plus de 40 % de son épaisseur depuis 1978.

Elle pourrait disparaître complètement à partir de 2070, ce qui ouvrira de nouvelles voies maritimes et la possibilité d'exploiter des ressources minières et pétrolières jusqu'ici inaccessibles. Elle devient, de ce fait, une région stratégique que se disputent les puissances locales (lire la page Focus du 27 mai 2006).

Pour prévoir l'avenir des zones polaires, il importe maintenant de "décrire un état de référence tant scientifique qu'ethnographique à partir duquel on pourra modéliser et préciser l'ampleur du réchauffement", précise Yves Frenot. Les équipes internationales ont donc sélectionné six thèmes de recherche pour la nouvelle année polaire. Elles veulent mieux connaître les liens et interactions entre les régions polaires et le reste du globe, qui restent mal connus. Elles souhaitent préciser la composition et la morphologie de la croûte terrestre présente sous la glace, et les interactions entre ces deux milieux. Il est aussi prévu de profiter de la position géographique unique des régions polaires pour installer ou développer des observatoires destinés à mieux connaître la structure interne de la Terre et son champ magnétique.

L'Antarctique et son atmosphère extrêmement claire et pure sont aussi idéaux pour développer des observations astronomiques. Enfin, nouveauté de l'API 2007-2009, des travaux seront consacrés à l'étude des populations arctiques et à leur culture. Les organisateurs de l'API souhaitent enfin sensibiliser le public, en particulier les jeunes, sur l'enjeu que représentent les pôles pour la planète.

Durant deux ans, conférences, expositions et manifestations auront lieu partout dans le monde, y compris en France. La Cité des sciences et de l'industrie a ouvert le ban avec l'exposition Pôle Nord-Pôle Sud (jusqu'au 30 juin), qui sera accompagnée de nombreuses rencontres et conférences.

Toutes les recherches nécessiteront des moyens techniques lourds - navires, satellites, etc. - et des systèmes de stockage et de traitement de données performants. Car il faudra gérer d'énormes quantités d'éléments et les rendre accessibles à la communauté scientifique. Dès lors, les pays participants ont prévu un effort financier particulier : 7,8 millions d'euros pour le Royaume-Uni, 4 pour le Danemark, 3 pour l'Espagne, 7,5 pour les Etats-Unis, 49 pour la Chine, le Canada faisant un effort exceptionnel de 113 millions d'euros.

La recherche polaire française devrait bénéficier de 8 millions d'euros, en plus de son budget annuel. Elle mettra en oeuvre ses stations de terrain en Antarctique, dans les îles de Crozet, Kerguelen et Amsterdam, au Spitzberg, ainsi que ses navires Marion-Dufresne-2, Astrolabe et Curieuse.

La France a une longue expérience en Arctique et en Antarctique, qui a commencé avec les Expéditions polaires françaises fondées par Paul-Emile Victor en 1947. Cela s'est traduit par l'installation sur l'île des Pétrels, en terre Adélie, de la station Dumont-d'Urville. Concordia, une deuxième station permanente de chercheurs franco-italiens au centre de l'Antarctique, a été ouverte en février 2005.

La recherche polaire française a une bonne réputation internationale, qu'il convient de maintenir et de mieux organiser. C'est ce que met en avant un rapport rédigé par le sénateur (UDF) de Maine-et-Loire, Christian Gaudin. Après avoir effectué une mission en Antarctique à la demande de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, il estime que la répartition des missions entre les Terres australes et antarctiques françaises (TAAF) et l'Institut Paul-Emile-Victor (IPEV) - une agence de moyens - n'est "pas claire". Les deux organismes, selon lui, se marchent sur les pieds : une situation "préjudiciable à notre présence sur les zones polaires".

M. Gaudin préconise de recentrer les efforts de recherche sur l'IPEV en lui donnant des moyens budgétaires renforcés et lui faisant abandonner ses activités non spécifiquement polaires, les TAAF conservant de leur côté un rôle plus politique de promotion des intérêts de la recherche polaire française.

Christiane Galus

Article paru dans l'édition du 02.03.07

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