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CEP au Grand Quev'
10 mars 2007

Le fioul de l'Erika fait toujours des vagues

Lien permanent: http://www.humanite.presse.fr/journal/2007-03-09/2007-03-09-847403

enquête
Le fioul de l’Erika fait toujours des vagues

Polémique . Sept ans après le naufrage du pétrolier, des doutes subsistent sur sa cargaison. Oubliés du procès ouvert il y a un mois, les bénévoles demandent des comptes.

L’Erika était ce qu’on appelle pudiquement un navire poubelle. Chacun, et depuis longtemps, ne conteste plus cette évidence. Sa cargaison, en revanche, continue, plus de sept ans après le naufrage, à soulever autant d’incertitudes que... d’inquiétudes. En particulier chez les bénévoles qui l’ont ramassé, parfois à mains nues, sur les plages françaises, dans les premiers jours de l’année 2000. Ces derniers, représentés par le Collectif citoyen antimarées noires de Saint-Nazaire et l’Association des bénévoles de l’Erika, organisent aujourd’hui, dans la ville portuaire, une conférence-débat sur le sujet. Objectif, décliné en trois points : « mieux comprendre la nature du produit que nous avons eu dans les mains », « obtenir des réponses sur les risques sanitaires que nous courons » et « connaître nos droits légaux pour demander réparation aux responsables de cette incurie ».

du fioul n° 2 ?

Officiellement - Total l’a d’ailleurs encore réaffirmé le 17 janvier dernier -, « il n’y avait qu’un seul produit » dans les soutes de l’Erika : « du fioul lourd nº 2 ». Thèse corroborée dès 2000 par Lionel Jospin lui-même, devant l’Assemblée nationale. Le premier ministre avait alors tenu à démentir les analyses produites par un petit laboratoire indépendant, Analytika, installé dans le Var, qui mettaient en doute la nature de la cargaison.

Ce doute, pourtant, subsiste aujourd’hui, renforcé depuis peu par les recherches de la toxicologue Annie Pfohl-Leszkowicz, à Toulouse (lire notre entretien), ou encore l’enquête, de longue haleine, menée par deux journalistes de France 3, diffusée le 26 janvier dernier sur la chaîne publique. D’où il ressort que l’Erika n’aurait sans doute pas transporté que du fioul nº 2, mais aussi des « résidus de fonds de cuves », un produit beaucoup plus cancérogène.

« C’est une pratique assez courante dans le milieu, reconnaît Didier Bayeul, ancien chef de quart à la raffinerie de Normandie et, à l’époque du naufrage, délégué syndical central de la branche pétrole de Total. Ces fonds de cuves, ce sont des déchets. Et en tant que déchets, leur transport est plus réglementé, donc plus cher. Il est tout à fait possible qu’ils aient été mélangés à du fioul nº 2 classique, pour faire des économies. » Ce que confirme un autre salarié de Total, en poste en 1999 à la raffinerie de Dunkerque, d’où était parti le pétrolier maltais. Responsable de la filière déchets de TotalFina, Michel Fontaine admettait d’ailleurs, lui-même, dans le Figaro du 31 janvier 2000 : « Notre fioul nº 2 est un mélange de fonds de distillation auquel nous rajoutons des additifs pour un problème de viscosité. » Or, la présence d’additifs ne rentre pas dans la procédure habituelle de définition du fioul nº 2. Autre élément troublant, avant même que le pétrole n’atteigne les côtes : toutes les tentatives de pompage réalisées en mer furent des échecs, car le produit était beaucoup plus visqueux qu’attendu. Plus visqueux qu’un fioul nº 2 classique...

analyses partielles

Pourtant, en mars, puis en juillet 2000, des analyses menées successivement par l’Institut national de l’environnement industriel et des risques (INERIS) et l’Institut de veille sanitaire (InVS) parviennent à des conclusions plutôt rassurantes pour les bénévoles : les risques de cancer sont alors jugés « négligeables »... Mais ces analyses étaient partielles et incomplètes, rappelle aujourd’hui Corinne Lepage, candidate à l’élection présidentielle et avocate de deux petites communes du littoral au procès de l’Erika. De fait, les chercheurs de ces organismes officiels s’étaient essentiellement penchés sur la teneur en hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP), composant principal du fioul nº 2, laissant de côté la mesure d’autres substances tout aussi, voire beaucoup plus dangereuses pour la santé.

Le mystère n’est donc toujours pas levé sur la cargaison du pétrolier maltais. Pas sûr qu’il le soit jamais : le procès en cours ne devrait pas, en effet, aborder la question. Reste, pour les bénévoles, à faire valoir

-  y compris devant les tribunaux - le préjudice subi du fait des imprudences manifestes constatées dans le ramassage de la sinistre cargaison de l’Erika.

Alexandre Fache

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